La Villa de Can Ferrerons

(Premià de Mar, Barcelone)
et son édifice octogonal
villa romaine de Can Ferrerons et son édifice octogonal

Introduction :

Le site de la Gran Via-Can Ferrerons occupe environ 5,5 ha, situé dans l’actuel noyau urbain de Premià de Mar, entre le littoral et la Via Augusta (photo 0). Pendant les travaux d’urbanisation du secteur (1965-1980), on a détruit de nombreux vestiges archéologiques de la villa, sans qu’aucune intervention scientifique ait été possible. On a pu documenter, en 1969, une pièce noble de la maison tardo-antique, d’où a pu être extraite une mosaïque à décors géométriques d’un peu plus de 40 m2 (photo 1). À partir de 1999, heureusement, un suivi archéologique a pu être effectué en centre-ville de Premià, ce qui a permis de protéger le site. La construction de deux collecteurs hydrauliques a débouché sur la découverte d’une partie de la zone productive de la villa, avec une chronologie située entre le changement d’ère et le Ve siècle après J.-C. (photo 2).

Entre 2002 et 2005, les vestiges les plus anciens du site ont été trouvés, datables entre la première moitié du Ier siècle avant et la fin du Ier siècle après J.-C., qui correspondent à un secteur d’une figlina, qui produisait des amphores de types Tarraconaise 1, Pascual 1 et Dressel 2-3, entre autres éléments céramiques (photo 3). Un contrôle archéologique effectué fin 2000 a permis de découvrir l’impressionnant édifice octogonal tardo-antique de Can Ferrerons (photo 4), élément véritablement unique du site.

L’édifice octogonal tardo-antique :

L’aménagement intérieur du bâtiment rayonne à partir de la salle centrale octogonale, d’une superficie de 148 m2. Depuis cet espace, on accède à quatre pièces quadrangulaires de 40 m2, situées sur les côtés NO, NE, SE et SO (photo 5, zones 8, 9, 14 et 20). Les autres côtés, c’est-à-dire N, E, S et O, ouvrent sur une subdivision d’espaces plus petits, de plan pentagonal ou trapézoïdal, qui suivent un modèle symétrique basé sur un octogone intermédiaire. Cette structuration a permis de créer de nombreux espaces qui confèrent à l’édifice une complexité singulière plus tournée sur l’aspect géométrique que sur l’aspect proprement fonctionnel. Cet aménagement répond au type d’architecture à plan central qui caractérise à cette période les bâtiments publics, religieux, funéraires et qui apparaît également fréquemment dans l’architecture domestique noble, comme dans le cas présent.

Le bâtiment est construit en opus caementicium au début du Ve siècle après J.-C. Il est pratiquement utilisé pendant tout le siècle comme pavillon de réception, auquel on accède depuis l’espace 14, où se trouve l’entrée principale.

Depuis la salle centrale octogonale, on accède aux salles de réception (espaces 8, 9 et 20), qui ont pu fonctionner comme salles à manger, et à la zone du balneum (espaces 1-5 et 7), très bien conservée (photo 6) où une partie de l’hypocauste est même restée intacte (photo 7, prise à partir de la base). La culina, où se préparaient les repas, se trouvait dans l’espace 12, à côté de l’entrée.

Vers la fin du Ve siècle et le début du siècle suivant, le bâtiment est profondément remanié et destiné à des activités productives comme la vinification : des restes d’un torcularium (pressoir à vis, deux lacus vinarii (dépôts) et diverses parties de la cella vinaria (cave) ont été documentés, avec une autre activité importante de l’époque, la métallurgie. Au cours de cette phase, on a reconnu, sous le sol de plusieurs pièces, le curieux rituel d’enterrement de quatre nouveaux nés, dont l’un est signalé par un chrisme (photos 8 et 9).

Finalement, au cours du VIIe siècle, le bâtiment est abandonné, peut-être à cause de l’insécurité du moment, tandis qu’une petite nécropole rurale s’y installe (photo 10).

Le paysage social :

À la différence d’autres sites du Maresme, Can Ferrerons présente une grande phase de construction au début du Ve après J.-C., ce qui est assez exceptionnel. La grande période du vin léétanien date du Ier siècle de notre ère et certains centres ont continué à produire à grande échelle au long du IIe siècle, alors que la richesse de certaines villas se prolonge jusqu’à l’époque sévérienne (comme à Torre Llauder). Ce qui est frappant à Can Ferrerons, c’est la construction d’un grand espace résidentiel de réception au début du Ve siècle, dans ce qui était sans doute la propriété d’un personnage de haut niveau économique, que nous pourrions peut-être relier directement à Barcino, plutôt qu’aux cités plus proches d’Iluro ou de Baetulo.

Le toponyme médiéval (Primiliano) provient sans doute du cognomen de Primulus, connu dans la Barcino alto-impériale chez des personnages de la gens Domitia, une des plus importantes de la colonie (IRC IV).On peut penser que quelque personnage portant ce cognomen, peut-être un affranchi, a pu être à l’origine du fundus, qui conserverait son nom à l’époque tardive.

Quant au propriétaire du bâtiment du Ve siècle, nous en savons peu, même si nous espérons que la poursuite des travaux nous permettra d’aller un peu plus loin. Il est toutefois possible de supposer qu’il s’agissait d’un propriétaire terrien, sans doute lié aux couches sociales dominantes du moment, ce qui devrait le relier aux élites, provinciales plus que locales.

Valorisation :

Le conseil municipal de Premià de Mar a aménagé le bâtiment pour la visite publique (2015). Depuis 2016, et grâce à une subvention de fonds européens FEDER, un plan ambitieux de revalorisation de ce patrimoine a pu se développer, incluant une intervention archéologique visant à découvrir les zones non encore fouillés du bâtiment, tâche réalisée en 2018 et 2019 et qui a permis de compléter le plan (photo 5, en rouge les zones récemment fouillées). Une fois les fouilles archéologiques terminées, la muséalisation de l’espace a commencé, avec l’objectif de pouvoir ouvrir au public courant 2021 sous le nom de Musée romain de Premià de Mar.

Auteurs des notices Parcours Archéohistoire :

  • La Villa de Can Ferrerons (Premià de Mar, Barcelone) et son édifice octogonal

    Ramon Coll Monteagudo, Universitat de Barcelona

    Marta Prevosti Monclús, Institut Català d’Arqueologia Clàssica (ICAC)

    Oriol Olesti Vila, Universitat Autònoma de Barcelona

Bibliographie :

Coll, R.; Prevosti, M. (2016): “La tècnica constructiva de l’edifici octogonal de Can Ferrerons (Premià de Mar, Barcelona)”, Quarhis, 12, pp. 94-105. Barcelona

Coll, R.; Prevosti, M.; Bagà, J. (2016) : “Primeros resultados del estudio del taller anfórico de la Gran Via-Can Ferrerons (Premià de Mar, Barcelona)”. III Congreso Internacional de la SECAH-Ex Officina Hispana. Amphorae ex Hispania. Paisajes de producción y de consumo (R. Járrega y P. Berni, eds.), pp. 120-138. Tarragona.

Coll, R.; Prevosti, M.; Bagà, J. (2019) : “L’edifici octogonal tardoantic de Can Ferrerons (Premià de Mar, El Maresme)”. In Maritima. 2n Simposi sobre història, cultura i patrimoni del Maresme medieval.Masos, masies i bordes: activitats agràries i elements patrimonials (J. Graupera, coord.), pp. 237-260. Vilassar de Dalt.

Coll, R.; Prevosti, M. (en prensa) : “El edificio octogonal tardoantiguo de la villa de la Gran Via – Can Ferrerons (Premià de Mar, Barcelona)”. Congreso Internacional. Las villas romanas bajoimperiales de Hispania. Palencia, 15-17.XI.2018.

Prevosti, M.; Coll, R.; Bagà, J. (2015) : “El moment fundacional de la vil·la romana de la Gran Via-Can Ferrerons (Premià de Mar, Barcelona)”. Tarraco Biennal. August i les províncies occidentals. 2000 aniversari de la mort d’August (J. López Vilar, ed.), pp. 199-205. Tarragona.

Prevosti, M.; Lindroos, A.; Heinemeier, J.; Coll, R. (2016) : “AMS 14C dating at Can Ferrerons, a Roman octagonal building in Premià de Mar, Barcelona”, JAS: Reports 6, pp. 275-283. Consultable en ligne 

Prevosti, M.; Coll, R. (2017) : “Un balneum du Ve siècle dans le bâtiment octogonal de Can Ferrerons (Barcelone)”, Heating Systems in Roman Villas.Studies on the Rural World in the Roman Period, 10, pp. 69-80. Girona.

Prevosti, M.; Coll, R. (en prensa) : “L’edifizio ottagonale tardoantico della villa della Gran Via-Can Ferrerons (Premià de Mar, Barcelona)”. Abitare nel Mediterraneo tardoantico. III Convegno Internazionale del CISEM. Bologna, 28-31. X.2019.

 

Puche, J.M.; Prevosti, M.; Padreny, J.M.; Coll, R. (2014): “El edificio octogonal de Can Ferrerons, estudio métrico y arquitectónico”. XVIII CIAC: Centro y perifería en el Mundo Clásico / Centre and periphery in the ancient world, vol. II, pp. 1077-1081. Mérida.

Figures :

Toutes les figures sont mentionnées dans le texte et appartiennent aux auteurs Marta Prevosti et Ramón Coll.