Veral de Vallmora

Parque Arqueológico
Cella Vinaria
Teià, Maresme, Barcelona
Veral de Vallmora Établissement viti vinicole d'époque romaine alto imperiale

Introduction :

Le site de Veral de Vallmora (Teià, Maresme, Barcelona) est un exemple exceptionnel d’établissement viti-vinicole d’époque romaine alto-impériale. Tout d’abord, il présente un grand intérêt historique, en tant que centre industriel bien conservé de production de vin léétanien, mais il offre également une qualité patrimoniale novatrice, qui dépasse les seules préservation et diffusion de ses structures : son objectif final vise à la reconstruction du paysage de production viti-vinicole et à éclairer ses rapports avec la production vinicole actuelle. Il s’agit donc là d’un modèle de gestion globale du patrimoine historique (Martín i Oliveras 2019).

Sur ce site connu depuis les années 1960-70, après une intervention d’urgence datant de la fin des années 1990, les travaux archéologiques et scientifiques systématiques ont démarré à partir de 2003 (travaux dirigés dès le départ par Antoni Martín i Oliveras, directeur du musée et de la culture, responsable du projet de recherche et de la muséalisation du site), permettant d’identifier des structures de production et de stockage (pressoirs à vin, réservoirs de collecte de moûts et grandes cuves en céramique) qui dénotent une grande capacité de production et une vocation commerciale extensive et exportatrice.

Par la suite, les travaux ont également permis d’identifier des traces de culture de la vigne dans le sous-sol (fosses de plantation) et, plus récemment, une zone de poterie avec diverses structures artisanales et un four en céramique, ce qui fait de l’établissement un paradigme de centre intensif de production de vin à grande échelle. Il est important de noter qu’il ne s’agit pas d’une villa agricole « ordinaire », conformément au type d’établissement rural auquel nous associons traditionnellement la production agricole de l’époque romaine, mais d’un centre spécialisé, où les gestionnaires des installations résidaient tout au long de l’année et, éventuellement, des travailleurs temporaires directement liés à la production de vin, bien que ce complexe ait très probablement fait partie d’une propriété plus vaste appartenant à un riche propriétaire terrien.

Les structures archéologiques :

Le site est localisé sur une petite hauteur littorale, à 93 m au-dessus du niveau de la mer, à mi-chemin entre Baetulo et Iluro. Des fouilles dans deux zones de réserve archéologique étant toujours en cours, il n’est pas encore possible d’appréhender la totalité du site.

L’ensemble se compose de plusieurs secteurs, structures de production et de stockage qui s’adaptent à la topographie en terrasses du terrain, avec un grand espace central de stockage à ciel ouvert qui comprend de grandes cuves de fermentation, espace autour duquel se structurent les différentes dépendances (Martín i Oliveras 2011-2012, 117).

L’aile nord est particulièrement remarquable, installée sur les terrasses supérieures, avec trois salles de pressage (torcularia) qui comptent chacune deux pressoirs à vis, qui ne fonctionnaient pas tous en même temps. À l’époque de la plus grande activité, deux salles ont fonctionné simultanément – soit quatre pressoirs –, associées à un total de 5 réserves (lacus). On compte aussi plusieurs aires de stockage en dolia, cellae vinariae, certaines couvertes, d’autres ayant pu être laissées à l’air libre, où se réalisait le processus de fermentation des vins (on estime qu’il pourrait y avoir quelque 200 dolia defossa au total, chacun d’une capacité de 750-1000 litres).

Des vestiges de structures d’habitats destinés à la main d’œuvre ont également été préservés, qui ne correspondent nullement à une villa ou à un centre résidentiel, mais à des pièces modestes de nature pratique.

Récemment, les fouilles ont été poursuivies, qui ont permis de documenter de nouvelles structures telles qu’une zone de décantation d’argile et un four de potier, qui devaient être liés, soit à la production de matériaux de construction pour la mise en œuvre des bâtiments du complexe, soit à la production de conteneurs vinicoles, type amphores.

Au niveau chronologique, la première phase de construction bien documentée correspond à la seconde moitié du Ier siècle avant, avec un petit bâtiment rectangulaire associé à une réserve pour liquides, qui pourrait déjà indiquer les débuts d’une production viti-vinicole. C’est toutefois au milieu du Ier siècle de notre ère que se construit le grand centre de production, et vers la fin de ce même siècle ou au début du IIe siècle, qu’intervient une importante mutation, quand, loin de s’arrêter (comme on le constate dans de nombreux sites de Léétanie), la production de vin se poursuit à une échelle tout à fait remarquable, encore plus importante que celle de l’étape précédente. Depuis le début du IIIe siècle cependant, le centre commence à décliner et les grands pressoirs des phases antérieures sont abandonnés (Martín i Oliveras 2019, 231-232).

Il faut particulièrement remarquer les structures agricoles identifiées où les petites fosses de plantation, documentées à proximité du site, attestent du caractère intensif de l’exploitation agricole au long des siècles.

Le paysage social de la production :

La découverte d’un signaculum de plomb sur le site (Rodà, Martín i Oliveras et alii 2005), éventuellement utilisé pour marquer les étiquettes d’emballage (pitacium), a permis d’analyser un aspect peu connu de la production vinicole dans l’ancienne Léétanie romaine : le contexte socio-économique du travail.

Il s’agit d’un sceau rectangulaire avec la légende EPICTET(nous) L(uci) P(edanii) CLEMENTIS, que nous pouvons interpréter comme l’esclave Epictetus, de Lucius Pedanius Clemens. Deux personnages bien documentés dans l’épigraphie de Barcino de l’époque de Trajan : l’affranchi L. Pedanius Epictetus (IRC IV 106) et Lucius Pedanius Clemens (IRC IV 107, 108).

Il semble donc que sur cette propriété travaillait un esclave employé dans le commerce du vin, Epictetus, qui, peu de temps après, serait libéré par la gens Pedania, devenant sévir augustal de la colonie de Barcino.

La localisation de cet affranchi de la gens Pedania à Teià pourrait ne pas relever du hasard, si l’origine du toponyme de Teià pouvait être rapprochée d’un autre personnage mentionné dans l’épigraphie de Barcino, Lucius Pedanius Atilianus (IRC IV 68), propriétaire hypothétique d’un fundus Atilianus-(A)Telianus-Teianus (Olesti-Clavel-Lévêque 2009). Cela nous permet de localiser trois personnages d’un même gentilice sur ce fundus, sans doute liés à la gens Pedania, une des familles les plus importantes de Barcino à cette époque.

Valorisation du site :

Veral de Vallmora est devenu un projet patrimonial majeur, non seulement pour la valorisation et la muséalisation des structures archéologiques, qui ont impliqué la reconstruction in situ d’une grande partie des pressoirs et d’autres éléments de production, mais aussi, par la mise en œuvre d’un vaste projet de recherche fondamentale et appliquée, le projet Cella Vinaria, qui comprend l’étude de la production de vin romain au niveau tant territorial que local, avec la reconstruction des vignobles et des installations de production selon des méthodes d’archéologie dite expérimentale, et leur interaction avec la production locale actuelle de vins de la D.O. Alella. L’objectif ultime du projet est la justification du vin en tant que moteur économique, mais aussi en tant qu’élément de développement culturel, identifié à un territoire spécifique de longue tradition viticole, qui peut être encore mieux connu, diffusé et amélioré.

En ce sens, le Parc archéologique de Cella Vinaria, en plus du site lui-même, dispose d’un centre d’interprétation et d’accueil des visiteurs du Centre Œnotouristique et Archéologique de Vallmora qui, à son tour, est devenu un équipement touristique et patrimonial de référence et qui organise toutes sortes d’activités culturelles sans perdre sa vocation inclusive de recherche historique-archéologique sur la viticulture ancienne en lien avec l’œnologie moderne.

Enfin, il convient de noter un troisième élément de l’équation avec le vignoble romain expérimental, qui couvre actuellement une plantation de 500 m2 avec 91 souches de la variété Moscatel Romano, suivant un système de conduction en pergola en bois ou vitis compluviata ; 500 m2 avec 149 souches de la même variété suivant un système de conduite mixte : certaines avec un simple pieu vertical, d’autres avec barre transversale ou iugata vitis ; 1000 m2 selon la technique de plantation de l’alveus typique en Léétanie et système de conduite simple avec élagage « en verre » ou vitis suberectae ; et enfin, 4500 m2 supplémentaires de vignoble, témoignage moderne disposé en quinconce et planté avec la variété locale « pansa blanca », majoritaire dans l’actuel D.O. Alella. Cette dualité de plantation vise d’une part à expérimenter les anciens processus de production et de vinification et, d’autre part, à revendiquer des cépages locaux d’une remarquable notoriété commerciale.

Auteurs des notices Parcours Archéohistoire :

  • Veral De Vallmora

    Antoni Martín i Oliveras, Universitat de Barcelona

    Oriol Olesti Vila, Universitat Autònoma de Barcelona

Bibliographie :

Martín i Oliveras, A. (2019) “Projecte Cella Vinaria: quinze anys de recerca arqueològica i patrimonial al celler romà de Vallmora (Teià, Maresme)”, Tribuna d’Arqueologia 2017-2018, Barcelona, pp. 220-253.

Martín i Oliveras, A. (2011-2012) “Arqueología del vino en época romana: el proyecto Cella Vinaria y el complejo vitivinícola de Vallmora (Teià-Maresme-Barcelona). Nuevas aportaciones a la investigación”, Anales de Prehistoria y Arqueología. 27-28. Murcia, pp. 113-140.

Olesti, O., Clavel-Lévêque, M. (2009) “Regards croisés sur la viticulture en Catalogne et en Languedoc romains”, in A. Orejas, D. Mattingly, M. Clavel-Lévêque (éds.), From present to past through landscape. Action COST A27. Final Meeting. Pingvellir. Madrid-Office Cost, pp. 85-119.

Rodà, I., Martín i Oliveras, A., Velasco, C., Arcos, R. (2005) “Personatges de Barcino i el vi Laietà”, Quaderns d’arqueologia i història de la ciutat de Barcelona, 1, pp. 46-57.

Figures :

Fig. 1. Vue générale du site de de Veral de Vallmora le jour de son inauguration. (Foto: © A. Martín i Oliveras 2009).

Fig. 2. Vue détaillée des grands pressoirs à vis romains reconstruits in situ. (Photo: © A. Martín i Oliveras 2020).

Fig. 3. Vue détaillée de la cella vinaria nord-orientale muséalisée. (Photo: © A. Martín i Oliveras 2021).

Fig. 4. Le signaculum de Vallmora: EPICTETI LP CLEMENTIS. (Dessin: © C. Velasco 2007, Photo: © L. Sierra 2007, Photomontage: ©A. Martín i Oliveras 2019).

Fig. 5. Vue détaillée du vignoble romain expérimental en pleine croissance. (Photo: © A. Martín i Oliveras 2019).